MARCUS, JEUX DE MAINS, JEUX DE DESTIN

S'il y a bien 2 termes qui devraient, selon moi, définir Marcus, ce serait sérendipité et liberté. De son parcours artistique, à sa philosophie de vie en passant par ce qui l'inspire, Marcus s'affranchit ainsi de tout ce qui pourrait nier sa liberté et sa disponibilité à la vie. Il dessine son propre destin en gardant les mains grandes ouvertes.

ART

8/24/202321 min read

J'ai voulu accorder à Marcus, l’importance symbolique et encore énigmatique que la main représente dans son processus créatif et ce qui me semble mieux résumer ce que j'ai perçu de sa philosophie de vie.

Converser avec Marcus, est aussi fascinant que déroutant, en tout cas pour ma part. Échanger avec lui, c’est comme se trouver à un point d’intersection de plusieurs confluents et s’arrimer successivement aux rivages de l’histoire, de l’ésotérique, de la spiritualité, de l’actualité, de la philosophie et en même temps se retrouver à la périphérie de soi-même et en apercevoir les contours.

Dire oui à la vie, c’est l’accueillir pleinement, tel est son CREDO!

Mais la vie comporte ses variables et sa part de hasard. Cette acceptation totale, en tant que philosophie de vie est une gageure pour beaucoup d’entre nous, pris dans les rets de notre atavique besoin de tout contrôler. Et pour tenir le gouvernail d’une telle philosophie de vie, il faut être doté d’un optimisme incorruptible. Et Marcus s'avère être un fervent optimiste.

Il ne s’agit pas d’un optimisme béat qui consisterait à vivre dans une insouciance irréelle, à ne focaliser que sur ce qui est positif, tout en faisant abstraction du reste. Il s’agit encore moins le concernant, d’un optimisme complaisant, qui fait minimiser les dysfonctionnements ou menaces qui pèsent sur la société. Son optimisme parle d’une foi en l’homme et en l’humanité, tout en accueillant ce qui se présente à nous, le bon comme le mauvais. Car, comme il le scande, rien n’est tout blanc, rien n’est tout noir.

Marcus est comme un couteau suisse : un thérapeute, un passeur, un récepteur, un archéologue et chacune de ses disciplines quelque soit l’angle abordé, nous plonge tout à tour, dans les profondeurs de la psychologie humaine.

Un mot me vient lorsque je pense à Marcus et à notre rencontre: SÉRENDIPITÉ

La sérendipité, c’est trouver ce que l’on ne cherchait pas, lorsque nous sommes dans une disponibilité qu’elle soit intellectuelle, artistique, scientifique. C'est la capacité d'inventer quelque chose, de tirer une conclusion intellectuelle à partir du hasard, d'occurrences inattendues, d'erreurs pour produire quelque chose de nouveau.

Ce mot s’adresse autant à lui, qui capte ce qui se présente à lui qu’aux découvertes que j'ai fait sur moi et ce, tout le long de notre entretien. Ces occurrences sont parfois des cadeaux mal emballés qu’il faut savoir accueillir. Alors que je cherchais à en savoir plus sur lui, Marcus m'a laissé, au terme de cette rencontre, une réflexion en suspens, non aboutie, qu’il me reste encore à clarifier,

Marcus m’avoue que s’il n’avait pas été peintre, il aurait été thérapeute. A la fin de notre entretien, je comprends d'où lui vient cette certitude.

MARCUS & LE JEU DE PAUME

Le thérapeute permet souvent de voir les choses et les réalités, sous un éclairage différent ce qui a, par la suite, le mérite de modifier nos croyances. Le thérapeute met souvent en exergue un chainon manquant dans notre raisonnement, chainon qui nous empêche de d’aborder nos problèmes ou nos analyses de façon plus panoramique ou plus spécifique, selon les cas.

Une fois le chainon manquant révélé, notre perception se modifie, comme un rouage qui ferait tourner la machine dans un autre sens. Notre subconscient se reprogramme et cette nouvelle posture mentale change ainsi les anciennes équations.

Ma rencontre avec Marcus fut perturbante : en faisant bouger les curseurs de mes certitudes, en décloisonnant les limites circonscrites de mes réflexions sur ce monde mais surtout sur ce qui inconsciemment me motivait, il m'a poussé hors de mes retranchements rassurants.

Après tout, le but d’une communication n’est pas de convaincre mais de faire réfléchir.

Pour comprendre ma confusion, il me faut recontextualiser : L'ambition de mon projet, et ceci via mon site, consiste à mettre en valeur, non seulement les artistes qui me plaisent mais également, ce que l’artiste porte de spécifiquement humain en lui, l'âme humaine et ce que j’aime appeler nos valeurs essentielles : Liberté, introspection, intégrité, cohérence, etc.

En parallèle, je dois avouer que suis mû par le désir de prendre à contre-courant cette débauche technologique et mercantile, qui selon moi, met en danger notre humanité.

Mais ce jour-là, j’ai en face à moi, une personne qui, bien que consciente des dangers que représentent l’Intelligence artificielle et des conséquences nocives pour les artistes, ne s’effraie pas des changements actuels, Il me rappelle que les changements font partie de la vie.

Pour étayer son avis, il s’appuie sur un élément qui, soudainement m’apparait comme me faisant cruellement défaut : LA FOI EN L’HUMANITÉ.

Je le gratifie, au son de cette phrase d’un « tu es très optimiste » lorsque la seconde qui suit, je me rends compte que c’est peut-être moi qui ne le suis pas assez.

Sans me laisser le temps de digérer cette découverte sur moi, il surenchérit : "penser que l’humanité est en danger, c’est voir une humanité figée par rapport au passé, ce qui enlève la possibilité d’imaginer une humanité qui résiste à des choses déshumanisantes. L’âme s’exprime par l’art mais quoiqu’il se passe, l’âme trouvera toujours le moyen de s’exprimer »

Ainsi, avec cette seule phrase, Marcus me renvoie dans mes cordes et me met face à ma propre déficience :

Et si tout simplement, j’avais perdu foi en l’homme, en l’humanité ?

Et si seule ma façon de voir, mon prisme dubitatif, enlevait à l’humanité cette capacité de se prendre en charge ?

Cette fulgurance loin de s’arrêter là, m’élève, de facto dans une autre forme d’éveil. Une idée en amenant une autre : et si mon site et mon projet autour des artistes dévoilaient autre chose sur moi ?

Même si ma vision de l’artiste peut paraitre idéalisé, il n’en demeure pas moins que les artistes sont l’expression de l’âme du monde et ce, dans ses moindres recoins, des plus obscurs aux plus lumineux.

Se superpose alors à mes pensées, l’image d’un autre artiste découvert lors des portes ouvertes et que là encore, j’avais particulièrement apprécié : Ce dernier représentait essentiellement des bribes de vie de femmes iraniennes, autant sous les bombes que sous la dictature. Ces tableaux étaient donc souvent sombres autant par leur thématique que par le choix des couleurs mais, fait intéressant, sur chacune de ses peintures figurait toujours un halo de lumière autour ou près du personnage principal. « Je ne crois ni aux gouvernements ni aux démocraties mais j’ai foi en l’homme ». Me dit-il, lors de notre partage.

Bien qu’écoutant Marcus, ces pensées se chevauchent dans mon esprit et c’est avec beaucoup d’efforts que je tente de camoufler mon émoi. Je m’entends seulement lui dire : « ce que tu dis est perturbant ».

Lors de nos échanges, Marcus a souvent évoqué le philosophe JUNG. Mes souvenirs en philosophie demeurant relativement lointains, une fois arrivée à la maison, je parcours ses écrits et fortuitement, je tombe sur une de ces citations : "Toute notre expérience actuelle nous permet d'affirmer que les processus inconscients se situent dans une position de compensation par rapport au conscient."

Deuxième claque: Et si jusqu’ici, je n’avais fait que compenser ? Ce projet est-il un moyen de compenser mon manque de foi en l’homme et en l’humanité ?

J’ai toujours pensé que plus important qu’une idée, un acte ou un projet, c’était l’intention qui prévalait. Mais force est de constater que la psyché est loin d’être aussi transparente que l’intention.

Ce projet ne serait-il pas, au final, un moyen pour moi de retrouver ce chainon manquant, de renouer avec cette foi en l’humanité par le biais des artistes, auxquels je fais porter l’indue responsabilité du devenir de l’humanité ? Se pourrait-il qu’à travers les artistes, je cherche à reconstituer les parties éparpillées de mon âme, égarée dans les méandres du désenchantement ?

Après tout, « Nous ne donnons vraiment à autrui que ce dont nous débordons, Tout le reste, on se l’emprunte à soi-même. »

Pas de doute, Marcus détient des talents inconscients de thérapeute et, au vu de l’enthousiasme et du trouble que j’ai ressenti autant devant ses peintures que dans notre échange, l’idée fait tranquillement son chemin. Tout en prenant exemple sur Marcus, je reste ouverte à ce que la vie m’apportera de cette révélation. Lorsque la main du hasard se glisse dans notre vie et nous fait découvrir des choses insoupçonnées sur nous. SÉRENDIPITÉ

Marcus a t-il, par son approche, dévié le sens initial de mon projet, démystifié mes intentions et levé le voile sur une partie inconsciente de mon âme ?

Je n’ai pas été encore au bout de ma réflexion. Comme lui, pour sa thématique, je continue de creuser.

Je réfléchis déjà sur mon prochain article qui me permettra d'aller au bout de ma réflexion: Est-ce que nous battre pour des causes qui nous tiennent à coeur ont leur utilité ou faut-il tout simplement accepter tous les changements sans résister?

Mais qu'importe la conclusion, la balle est aujourd'hui dans mon camp. Il n'a fait que dégripper le mécanisme!

LES MAINS OUVERTES : ACCUEILLIR

Ma première rencontre avec Marcus, se passe dans son atelier. Sur ses murs, ses quelques peintures à prédominance bleue et aux couleurs chaudes nous plongent rapidement dans une atmosphère apaisante et mystique.

Se crée, dès lors, un jeu de perception visuelle, entre d’une part la vue globale ou apparait en premier plan un personnage principal, une fleur, un animal, et d’autre part les fourmillants détails composés de micro-motifs, de formes géométriques, de symboles.

Ces détails sont autant de clés d’interprétation, pour chacun d’entre nous, et l’occasion d’appréhender l’œuvre selon nos propres perceptions. Ils sont une tacite exhortation à renouer avec nos souvenirs sur les mythes, le folklore, la spiritualité. Sous la peinture, sous le dessin, se cache souvent une révélation, un sens caché, un secret à l’état brut ou pas. Il y a ce que le peintre veut transmettre mais il y a aussi ce que nous voyons.

Ses peintures irradient souvent : filaments dorés, étincelles, halo, auras ou colonnes de lumière auréolent le sujet principal.

C’est tout un univers onirique et symbolique qui nous appelle. Car pour Marcus, tout est lien, métaphore, énergie.

Bien qu’élevé dans la confession catholique, Marcus est un creuset œcuménique dans lequel il mélange et associe ses matières premières : symboles, archétypes, fées, mythes, légendes, ceci même, avant de mélanger ses matériaux de peinture.

Il ne se réclame d’aucuns courants en particulier, n’est pas pratiquant mais il n’exclue rien. Il fait fi des crispations conservatrices religieuses, qui sont pour lui synonyme d’hermétisme, alors même qu’il nourrit et désire être dans une totale ouverture et disponibilité de ce que la vie lui offre. D’ailleurs, nombre de ses toiles représente une porte entrouverte sur les mystères de la vie, une incitation à s’y ouvrir, à aller sur l’autre rive et à accueillir pleinement la magie de la vie.

Il affirme d’ailleurs que l’église l’a quitté plus qu’il n’a quitté l’église. C’est ainsi qu’il dit oui à la vie.

Sa façon de travailler reflète d’ailleurs sa pensée profonde et sa philosophie de vie. Dire oui à la vie, se laisser surprendre ou se faire surprendre par tout ce qu’il intercepte et reçoit, tout en faisant confiance au processus de vie qui imprègne son processus créatif. Il ne sait jamais à l’avance ce qu’il peindra et n’a jamais une idée précise du résultat final. Il met une couche, laisse le temps s’écouler, il revient travailler dessus, superpose, juxtapose jusqu’à ce que la peinture lui livre son message, sa révélation…. Mais pour cela, il doit laisser venir, ne pas conjecturer, anticiper. ll se laisse transcender par tout ce qui gravite autour de lui.

Comme un pied de nez fait à la prédictibilité, à notre besoin de présumer, de contrôler.

Marcus se désigne comme un passeur : il est celui qui facilite le passage d’un rivage à l’autre, d’un univers à l’autre. Ses peintures sont un appel pour s’aventurer sur l’autre rive, l’onirisme, l’intangible. Bien sûr, il n’impose rien et laisse chacun se faire sa propre représentation de ses peintures. Après tout, chacun reçoit le message qui lui est destiné.

Mais avant d’être un passeur, il est un récepteur. Il se laisser traverser par la vie, il capte et reçoit les choses, les sensations : lumière, images, intuitions, rêveries. Et de ce vaste ensemble, de cette énergie protéiforme, il rentre en résonance. Il dépose et traduit sur ses toiles, cette énergie en y faisant une symphonie vibratoire. Ces énergies qui le traversent sont comme des ponts permettant de faire passer les messages de l’état inconscient à l’état conscient, une passerelle entre le microcosme intérieur et le macrocosme de la vie. C’est ainsi qu’il laisse parler son âme et donne vie à ses tableaux.

Que l’on soit profane, athée, agnostique, ou fervent croyant, ces aspects mystiques, cette omniprésence spirituelle n’échappe pas à l’œil et ces œuvres sont faites pour proposer une riche mosaïque spirituelle, humaine et émotionnelle.

J’ai rarement rencontré quelqu’un qui était autant cohérent dans ses pensées, ses dires et ses actions et ceci malgré, ce que certains pourraient appeler, son capharnaüm mental.

METTRE LES MAINS À L'OUVRAGE : CREUSER

En médecine énergétique, les mains sont l’extension du cœur, elles représentent la capacité de donner, de prendre et de recevoir. Ce n’est donc pas un hasard si fidèle à sa conception de vie, Marcus représente des mains, qui successivement, accueillent, protègent, présentent et projettent.

Pour nous, observateurs, la lecture d’un tableau consiste à mettre à jour le message ou sens caché qui existe derrière l'esthétique. La symbolique de la main semble donc immédiatement déchiffrable dans la majorité des œuvres de Marcus.

Mais pour Marcus, la symbolique de la main ne lui a pas encore délivré sa quintessence et reste un mystère encore énigmatique, un signifié implicite qu’il n’a pas encore réussi à élucider.

Pourtant avec la perte de son cher père, l’illustration de cette incroyable peinture était sensé clôturer sa quête, mettre un point final à tout ce que les mains pouvaient révéler de son essence et de son propre inconscient.

Ce ne fut en fait qu'une étape, un point d'intersection, même après avoir couché sur son papier à dessin, tout ce que la perte, les souvenirs, les partages, les non-dits peuvent porter en leur sein.

Pour l’instant, cette omniprésence de la main et son signifié encore opaque, reste un processus d'enfantement inachevé mais aussi son point d’ancrage.

La persistance, la répétition des mains dans nombre de ses tableaux, sont comme un pas supplémentaire, un mouvement progressif, par étapes, vers le signifié qui prendra un jour, tout son sens. En attendant, il continue de creuser, tout en restant disponible à ce mystère et à ce qu’il y découvrira. SÉRENDIPITÉ

Voir où ce mystère le mènera : N'est-ce pas une raison suffisante pour continuer de suivre Marcus, de l'accompagner dans sa quête, suivre son mystère, et en comprendre la finalité?

“Une oeuvre d’art n’est pas belle, plaisante, agréable. Elle n’est pas là en raison de son apparence ou de sa forme qui réjouit nos sens. La valeur n’est pas esthétique. Une oeuvre est bonne lorsqu’elle est apte à provoquer des vibrations de l’âme, puisque l’art est le langage de l’âme et que c’est le seul.” KANDINSKI

A la question qu’est-ce qu’un artiste, Marcus dénonce une forme de romantisation de l’artiste et mentionne la différence notoire qui existe entre vouloir être artiste et vouloir faire de l’art. Entre être et faire, les dispositions mentales et les attentes diffèrent. Si l’un est essentiellement motivé et s’attache plus au statut, l’autre ne s’attache qu’à lui-même, à ce qu’il aime (On est toujours libre quand on est enchainé à ce qu’on aime) et se veut lucide quant aux tenants et aux aboutissants.

En ce sens, vouloir faire de l’art suppose acceptation d’une part et renoncements d’autre part.

Acceptation de vivre dans un premier temps, une traversée du désert plus ou moins longue (dans le cas de Marcus, cette traversée dura 10 ans), accepter de vivre d’expédients, de petits boulots et de vivre chichement. Accepter également les doutes, les hésitations et les remises en question comme faisant partie intégrale du parcours de l’artiste et enfin accepter que le succès ne sera pas forcément au rendez-vous.

Quant aux renoncements, il faut une force mentale incorruptible pour passer au tamis ses besoins et mettre de côté des désirs matériels ou sociaux, alors même que notre société met l’accent sur le confort, les attraits matériels et le « tout, tout de suite ».

Des sacrifices, Marcus en a fait. Il serait d’ailleurs plus juste de parler de choix lucides : il n’a pas d’enfants, ni voiture, ni même de télé et n’est pas propriétaire de sa maison.

Il faut voir dans ses choix, une volonté de créer ses propres repères, ses propres limites et ses propres paramètres de vie. Ainsi, il a décidé seul et en conscience de ce qui lui était essentiel, quel prix il devait payer, quels sacrifices il devait opérer pour accéder à sa propre liberté : La peinture.

Peu d’artistes arrivent à vivre de leur art. Même si aujourd’hui, Marcus appartient à la caste des quelques privilégiés qui peuvent se targuer d'en vivre, c’est en partie parce qu’il a choisi ses propres épreuves tout en restant disponible à la vie, tout en cultivant son optimisme légendaire

« La liberté, c’est la faculté de choisir sa propre servitude ».

Fais ce que tu aimes, c’est la liberté. Aime ce que tu fais, c’est le bonheur.

Bonheur & liberté. C’est un combo parfait auxquels nous aspirons tous sauf pour autant y parvenir.

LES MAINS LIBRES : ACCÉDER À LA LIBERTÉ INTÉRIEURE

Celui qui peut se passer de tout ce dont il n’a pas besoin et se désencombrer de l’inutile atteint la liberté. Arneaud Desjardins

PORTES FERMÉES - CHEMIN OUVERT

Être artiste suppose d’exposer ses oeuvres et d'être vu. Pour se faire, les galeries sont un des moyens les plus usités pour obtenir validation, crédibilité, reconnaissance et consécration.

Malgré tout, la liberté de l'artiste est une valeur fragile. Car, une fois parvenu au firmament des artistes reconnus, les galeries peuvent, parfois, être un piège qui se referme sur l’artiste. Une cage dorée!

Même si ce chemin, encore plus à Paris dont l’accès reste très restreint, peut-être un véritable parcours du combattant.

Pour Marcus, tour à tour, considéré soit, comme trop bien établi par certaines galeries préférant donner la primeur à des artistes émergents, soit pas assez selon le parcours fléché conventionnel (Il n’a pas fait les beaux-arts à Paris, ni même en France, n’a pas démarché les galeries avec ses portfolios, n'avait pas le réseau adéquat en débarquant fraichement des Etats-Unis, ni les incontournables contacts) Marcus a su défricher son propre chemin, pour parvenir à se démarquer.

Grâce notamment aux annuelles portes ouvertes d'ateliers, en donnant des cours, en se créant son propre réseau, en faisant appel à des galeries associatives, Marcus continue d'avancer sereinement sur son chemin.

Personnellement, j’en suis ravie car sinon, je n’aurais certainement pas eu la chance de le découvrir.

Les portes fermées peuvent donc être une opportunité de décider du chemin qui convient le mieux tout en s'affranchissant des exigences parfois limitantes des galeries : Contrat d'exclusivité, choix des œuvres à présenter ou choix laissé à l'artiste, les modes de fonctionnement des galeries peuvent être un tremplin ou un frein selon ce que l'artiste veut prioriser.

Si le choix de la galerie se porte essentiellement sur ce qui se vend, l'artiste prend le risque d'éteindre son étincelle créatrice, de créer pour plaire plus que pour la création elle-même et ce qu'elle peut offrir de nouveau au monde. Ainsi, il entre dans un cycle de commercialisation qui peut le faire renier son essence profonde et fait voler en éclats l’image fantasmée de l’artiste libre. Mais qu'importe, l'artiste n'est libre que parce qu'il choisit ses propres chaines.

Pour ma part, j'aime suivre les artistes car leurs compositions changent au fil des années. Comprendre les œuvres de l'artiste, c'est le suivre aussi dans ses évolutions et révolutions.

PASSER LA MAIN : LE DÉBUT DE LA FIN?

Si Marcus nous enjoint à aller voir sur l'autre rive de l'onirisme et de la spiritualité, c'est aussi parce qu'il perçoit aujourd'hui, les limites de la rationalité et du cartésianisme qui ont marqué notre époque.

Avec le siècles de lumière, la raison et ses corollaires, seules sources fiables de savoir et de progrès se sont imposées, afin d'excommunier toute forme d'obscurantisme.

Par conséquent, toute autre forme de conscience ou de savoir (extrasensorielles, spirituelles, médecines naturelles etc) s'écartant des normes définies par des autorités, devait être sacrifié à l'autel du rationalisme et de la science (notamment le scientisme ou science expérimentale), considérés comme principaux marqueurs du progrès.

Par extension, la raison et le mental devait réguler, sinon amoindrir passions et émotions s'y rattachant.

Loin de vouloir créer un juste équilibre entre les deux, la raison et les émotions, la logique et l'intuition, la science et le subtil, furent mis dos à dos. Certes, le rationalisme a apporté beaucoup de bienfaits mais également beaucoup de formes d'oppression politiques, sociales, économiques et psychologiques.

Devant cette hégémonie de la raison, nos émotions (siège de notre âme) furent reléguées dans la part cachée notre inconscient. Le chaos mental, les dépressions, les dualités, les peurs enfouies, les automatismes sont les cris d'expression que prennent notre âme et nos émotions pour exister. Car, comme l'a si bien dit Marcus, notre âme cherchera toujours à s'exprimer. Bien qu'embastillé dans notre inconscient ou dans notre subconscient spontané, nos émotions et notre âme s'exprime.

Mais aujourd'hui, force est de constater que cette sacro-sainte rationalité s'effrite de partout, tend à perdre du terrain et ce, dans divers domaines.

Nous pouvons déjà le constater au niveau de la santé : Alors que la santé était exclusivement appréhendée selon la médecine d'Hippocrate, aujourd'hui, nous assistons de plus en plus à une résurgence ou découverte des médecines dites "alternatives" (médecines traditionnelles chinoises, africaines, indiennes, aromathérapie, phytothérapie, naturopathie, alicaments, etc).

Cependant, Marcus relève une vérité : même si la vison rationnelle de la médecine est prépondérante dans nos villes, la campagne a toujours continué de faire vivre la médecine empirique.

Au fil du temps, nous avons pris conscience que les maux du corps sont avant tout tout les maux de l'esprit et qu'il fallait complémenter la médecine conventionnelle à la médecine préventive. Cette dernière, a le mérite, en appliquant des connaissances moins académiques, d'intégrer l'être humain dans son ensemble. Là où la médecine scientifique travaille essentiellement sur la maladie, la médecine préventive agit sur les causes et les origines de la maladie.

Cette approche holistique de l'être humain permet de s'intéresser à "l'âme" des patients, en prenant en compte les aspects psycho-émotionnels, psychiques, la nutrition, l'utilisation des plantes de façon naturelle. Issue de cette "logique", l'équation "harmoniser le corps et l'esprit" permet d'équilibrer l'ensemble et d'éloigner la maladie. Là où la science prédominait, la vulgarisation et banalisation des alternatives prend le relais.

La rationalité occidentale s'est imposée également avec le triomphe du capitalisme messianique et son implacable logique du marché.

Cependant, nous commençons à entrevoir les externalités causées par cette logique capitaliste, qui se voulait pourtant pourvoyeuse de progrès, de bonheur et de richesse. L'édifice s'effrite de parts et d'autres, et nous voyons émerger des propositions autres, basées notamment sur la préservation de la biodiversité et sur davantage de sobriété.

Bien que balbutiantes et imparfaites, elles sont le reflet d'un désaveu subreptice.

Subreptice car nos résistances pour épouser le changement sont encore relativement fortes. Marcus le résume d'ailleurs très bien : " Il est plus facile d'envisager la fin du monde que la fin du capitalisme". C'est ainsi, nous voyons essaimer des déclinaisons de cette économie de développement, sous divers oxymores propres à nous rassurer, ( économie, verte, économie dite sociale et solidaire, économie durable) mais qui au final, selon moi, ne sont que des moyens de colmater les fissures ou de faire du neuf avec du vieux.

Effectivement, il nous est difficile d'envisager de vivre sous un autre système. Marcus développe cette constatation : N'en fut-il pas de même pendant la monarchie?

Et pourtant à chaque fois, nous sommes passés d'un régime à l'autre, d'un système à l'autre.

Le dénominateur commun de tous ces soubresauts fut notre capacité à nous réinventer. Bien sûr, cela suppose d'accepter de perdre des choses, des acquis mais cela sera surtout l'occasion de repenser pour chacun d'entre nous, notre essentiel, loin des dogmes et des systèmes qui nous ont prédéfini . Comme une suite logique à son argumentation, je comprends également pourquoi Marcus m'a cité à plusieurs reprises JUNG. N'est-il pas un peu l'apôtre de l'individuation? A nous de savoir comment nous souhaitons nous positionner sur l'échiquier de la vie.

« Apprenez les règles comme un professionnel pour que vous puissiez les briser comme un artiste » Picasso

En ce qui concerne l'art et la culture, c'est encore la rationalité qui prédétermine nos façons d'être, d'accueillir ou de percevoir ce qui se présente à nous. Aux États-unis, pays d'origine de Marcus et également pays de tous les antagonismes, il semble que ce qui a trait à l'art et à la culture est appréhendé de façon plus deshinibée.

Alors qu'en France, parler plusieurs langues, être cultivé est signe d'une certaine sophistication et intelligence rationnelle, aux États-unis, afficher ces attributs est considéré comme une forme de snobisme. Être cultivé, est secondaire pour cette nation d'entrepreneurs pragmatiques.

En France, être cultivé, c'est être un intellectuel, c'est se frayer un chemin jusqu'au panthéon, Haut-lieu de reconnaissance publique, c'est comme afficher ses lettres de noblesse.

Même apprécier une œuvre d'art pour un français n'échappe pas à cette évaluation et registre intellectuel. Marcus met en lumière les différences constatées quant à l'accueil de ses œuvres : si un américain apprécie une œuvre, il l'exprimera de façon spontanée alors qu'en France, Marcus doit montrer patte blanche, démontrer qu'il ne fait pas de l'art en dilettante, qu'il est sérieux dans sa discipline, et en conséquence recommandable.

Ce n'est seulement lorsqu'il a passé tous les "tests de crédibilité" qu'une personne affichera de façon plus ostentatoire son intérêt.

Ainsi, en France, la valeur de l'art est avant tout "intellectualisée, rationalisée" avant d'être appréciée alors qu'aux États-unis, elle est plus décomplexée et instinctive.

Cette rationalisation imprègne ainsi beaucoup de notions, notamment celles de l'échec et de la réussite.

En France, l’échec est difficilement vécu et ce, depuis le plus jeune âge, incitant autrui a vouloir s’inscrire dans l’excellence et dans la perfection. L’échec est quelque chose de négatif et est synonyme de défaite. Surtout parce que cet échec est directement associé et imputé à la personne, à l'individu derrière le projet, gommant ainsi tous les autres paramètres environnants qui ont interféré dans la réussite du projet.

Progressivement, une peur s'est construit autour de l’échec car c'est la personne elle-même qui était remise en question, sans autre forme de procès.. Conséquence logique, tout est fait pour minimiser les risques. Ce qui rend beaucoup de gens frileux et peu audacieux, quant aux idées innovantes qui germent en eux, surtout si ces dernières ne répondent pas aux normes. Cela peut également expliquer pourquoi la généralisation de l'entreprenariat fut plus tardive en France qu'aux États-Unis.

Le modèle américain lui, prône la culture de l’échec comme source d'apprentissage et d'expériences, passage obligé pour la construction et la réussite d'un projet.. L'échec n'est pas associé à la défaite mais à l'erreur qui contribue à faire avancer la personne dans son projet.

De plus en plus en France, on tente d'adopter cette culture spontanée et naturelle de l'échec, sans peur ni culpabilisation de soi, en s'inspirant des entrepreneurs de la Silicon Valley.

Mais là encore, tout n'étant pas tout noir, ni tout blanc, on en vient à des excès et à des désillusions en tentant de calquer un modèle propre aux États-unis. Ainsi au lieu de garder seulement la philosophie, on cherche à en imiter les modèles.

Alors ma question est : Aujourd'hui, se fier essentiellement à la raison et au cartésianisme, résister aux changements de paradigmes n'est-il pas une forme d'obscurantisme? Car il existe une multitude de savoirs qui ne relèvent pas que de la raison ou de la science.

Pour ouvrir nos horizons, être dans l'équilibre, j'enjoins donc quiconque, à accompagner Marcus sur l'autre rive et à découvrir son univers.

Vous pourrez le retrouver à la "Galerie 43" du du 13 au 24 septembre -

du mardi au dimanche de 15h à 20h
43, rue Vandrezanne - 75013 Paris
m° Tolbiac - Place d’Italie

https://www.instagram.com/marcus.mcallister.artist/

https://www.marcusmcallister.com/

MARCUS MAC ALLISTER