FRANCESCO, EN QUÊTE D'ÉQUILIBRE - PART 2
Francesco, artiste de la résine, nous partage ses points de vue sur l'avenir de l'art, sur les éventuelles menaces pesant sur l'art et les artistes et sur l'importance d'ajuster notre pédagogie.
ART
LE MOT DE LA FIN : ATLAS EN TÊTE D’ÉQUILIBRE
Ce que je retiens de Francesco est sa vision des choses remplies de nuances. La nuance participe à l’équilibre. La première vertèbre cervicale est appelée Atlas. Elle porte la sphère céleste sur ses épaules comme cette vertèbre porte la tête, siège de nos 5 sens. Elle assure le maintien de notre tête, le siège des cinq sens.
Dans les représentations mythologiques d’Atlas, celui-ci est toujours représenté la tête tournée de côté et penchée, une vision holistique du corps et du monde.
Pour maintenir, la tête droite, notre socle doit l’être et cela nécessite parfois de changer de posture pour parvenir à une horizontalité au niveau du regard. Notre monde actuel se veut rationnel, cartésien, technologique. Les propos de Francesco toujours plein de nuances perspicace, sont une quête sans fin, d’équilibre de la structure du monde.
En ce sens, pour moi, les artistes comme Francesco, participent à aligner l’Atlas, à équilibrer le monde, à faire se rejoindre les deux hémisphères dans un parfait équilibre : Gauche pour la logique, le cartésianisme une compréhension basée sur la pensée analytique, la raison, le système scolaire et sociétal. Cet hémisphère développe « le faire ».
Et l’hémisphère droit pour la créativité, l’intuition, l’imagination, les émotions, le subconscient, loin des carcans, l’exploration des multiples possibilités et potentialités, une compréhension basée sur le ressenti, loin des carcans. Cet hémisphère développe « l’être ».
L’Europe, l’Occident a développé essentiellement hémisphère gauche et l’Orient plus l’hémisphère droit. Voilà pourquoi les artistes participent à l’équilibre du monde, voilà pourquoi le technologique ne doit pas empiéter sur l’art.
LA VOIE MÉDIANE
Sur ce, Il émet une suggestion qui selon moi, mérite d’être relevée : Ne serait-il pas plus approprié de considérer l’art issu de l’intelligence artificielle comme une catégorie à part ? Qu’importe que des personnes utilisent des images pixellisées, des mots-clés, des banques de données, pour coder une œuvre, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une production à part, car c’est l’algorithme qui au final, effectue tout le travail technique. Un maraicher qui achèterait des légumes mais préparerait lui-même des bocaux locaux, peut-il encore s’appeler maraicher ? Ces productions doivent-elles pour autant, se revendiquer au même titre que l’art et être mentionnées comme tel ?
Plusieurs raisons justifieraient qu’elles soient considérées comme des catégories à part, selon Francesco, mais deux en particulier font écho en moi :
- La première serait pour faire barrage aux nombreux procédés qui permettent de créer des Fake news à partir d’images retouchées et trafiquées. Nous avons tous en tête, cette image qui a fait le tour des réseaux sociaux affichant le pape avec une doudoune blanche ou encore Emmanuel Macron en éboueur dans les rues de Paris. Bien que pouvant être drôles, certaines personnes seraient susceptibles de ne pas pouvoir ou savoir faire la part des choses. A une époque où les gens lisent de moins en moins et où finalement, internet est une bulle hermétique d’information, les images peuvent revêtir un caractère fallacieux.
- La seconde est que, je cite Francesco « l’artiste ne crée pas pour plaire mais pour faire sortir ce qu’il porte en lui » et le partager auprès des autres. L’artiste crée d’abord pour lui sans que cela ait le but de plaire. L’art « technologique » ne répond pas à cette aspiration. Mais là encore, il offre une analyse nuancée de cette mise en relief : rares sont les artistes qui ont la possibilité de vivre de leur art, matériellement parlant. Face à cette carence, utiliser l’IA peut-être un moyen d’y remédier. Est-il malgré tout correct d’allouer à ces "oeuvres", des critères artistiques. L’art « technologique »ne vient-il pas avant tout, répondre à des exigences économiques ?
Ainsi, pourrions-nous distinguer ceux qui font de l’art et ceux qui utilisent l’art pour de visées économiques ou autres ?
Voilà qui apporte un éclairage nouveau, car comme dit précédemment, il faut connaitre les motivations sous-jacentes pour bien déterminer en quoi consiste une discipline. Pour Francesco il est impératif, lorsqu’on parle d’art, de faire la distinction entre la performance artistique et la performance technologique, ce qui suppose deux langages différents, deux buts différents, deux états d’esprit différents : l’un est technique et commercial, l’autre est créatif et met en avant les ressorts humains.
Alors l’essence de l’art peut, pour certains, être défiée par l’introduction tentaculaire de l’IA, mais ce n’est pas là, l’unique menace qui plane sur l’art. Francesco déplore d’abord la part, en peau de chagrin, de l’art dans le cursus scolaire. C’est avec un petit retour sur sa propre sur sa scolarité et jeunesse, qu’il s’approprie le sujet. Pour se faire, il met en balance le souvenir de la pédagogie de sa jeunesse et la pédagogie actuelle.
ÉDUQUER OU L’ART DE COMPOSER AVEC LES INTELLIGENCES
Une fois de plus, tout en nuances, il parle de tendance plus que de généralités, ce qui nous laisse espérer que les choses peuvent encore changer. Revenant sur ses souvenirs de jeune étudiant, il constate à regret, que la pédagogie actuelle devient le relais d’un univers normo-pensant, ostracisant ceux qui ne rentrent pas dans les cases tout en négligeant les autres potentialités. Francesco me rappelle qu’il existe 8 formes d’intelligence alors même que le système éducatif actuel se veut être un enseignement standardisé, avec une prédominance pour l’intelligence logico-mathématique.
comment il perçoit l’avenir de l’art
Sa phrase m’interpelle : "il faut éduquer les gens à l’art". Il devra se fendre de quelques explications pour m’affranchir. Pour cela, il évoque tout d’abord, le métier de professeurs et artistes de ses parents, sa scolarité en Italie, et les souvenirs de pédagogie qui y sont rattachés. Bien qu’ayant été dans une filière scientifique, ¼ des heures de son programme total étaient dédiées à l’art. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas. Francesco n’est pas forcément adepte du « c’était mieux avant » mais il observe l’état de notre monde, son évolution dans son sens le plus large.
Ne serait-il pas plus judicieux d’intégrer ces formes d’intelligence afin de réviser l’enseignement actuel ?
Le rôle de l’enseignant (pour peu qu’on lui en donne la possibilité et l’espace nécessaire pour le faire) n’est-il pas celui de permettre à l’enfant de se découvrir d’abord en tant que personne, puis de découvrir et de détecter quelle intelligence lui correspond ?
Le rôle de l’enseignant n’est-il pas de tirer l’enfant vers le haut pour l’aider à grandir avec l’affirmation : “A ma manière, je suis intelligent”. L’enfant serait comme un puzzle qu'un ou une pédagogue pourrait recomposer harmonieusement.
Or, de nos jours, un enfant qui ne s’aligne pas sur cette éducation simplifiée pense ses capacités réduites et éprouve des difficultés à se construire harmonieusement. En l’écoutant parler, une expression et son image s’intercale dans mon esprit : faire le lit de Procuste.
Cette expression désigne la tentative de mettre tout le monde dans le même moule, pour standardiser les opinions et les comportements, dans un cadre trop rigide ; En résumé, c’est uniformiser, quitte à mutiler ou se mutiler moralement ou physiquement.
Ainsi, au lieu d’observer les manières d’apprendre de chaque enfant afin de mieux cerner les forces de chacun, au lieu d’inclure l’ensemble de la classe dans une démarche d’identification des intelligences multiples et hétérogènes, la pédagogie actuelle tend à faire abstraction des autres intelligences et à formater l’enfant selon un programme précis. Un enfant, poursuit-il, pourrait être le plus intelligent du monde, faire progresser la société, si ce dernier ne répond pas aux normes du standard éducatif, il sera susceptible de se dévaloriser et/ou de passer dans l’anonymat le plus total.
Ce dernier croira, dès lors qu’il est en en échec scolaire, alors qu’il n’est qu’en « échec « avec le système scolaire proposé, et non en échec avec l’intelligence.
Je rejoins Francesco dans les grandes lignes : L’idéal ne serait-il pas de passer à un enseignement standard ou système unique à un enseignement diversifié ? de stimuler l’enfant avant de vouloir le conditionner par un apprentissage standard ?
POUR ÉDUQUER À L’ART : METTRE LES MAINS DANS LE TERREAU
Lorsqu’il revient sur l’expression « éduquer à l’art » Francesco souligne que les écoles d’art mettent, de plus en plus, l’accent sur la technique tout en faisant l’impasse sur le terreau historique, philosophique etc, à l’origine des divers mouvements et courants artistiques.
Dès lors, décontextualisé, l’art risque de perdre peu à peu de son essence pour n’être qu’un assemblage de techniques. Comprendre le pourquoi, le comment, le quand des évolutions et courants artistiques est un préambule incontournable, selon Francesco pour être un artiste en devenir. L’art sans son histoire est-il encore de l’art ?
Prenons l’exemple du Maniérisme dont est issu Arcimboldo : peut-on expliquer la progression de ce courant sans l’associer aux crises intellectuelles, politiques (siège de Florence, Sac de Rome), économiques et religieuses (réforme protestante) que traversèrent l’Italie ? Peut-on ignorer le grand sentiment d’incertitude qui submergea l’Italie et consuma la rupture avec l’esprit et l’idéal humaniste de la renaissance pour expliquer l’émergence du maniérisme ?
Quoiqu’il en soit, face aux difficultés de survie des artistes, je ne peux que me réjouir de ces associations d’artistes de quartier qui participent non seulement à rendre le parcours des artistes moins ardu mais aussi à les promouvoir.
Vous pouvez retrouver les oeuvres de Francesco : https://www.francescoromanoart.com/
Et n'hésitez pas à promouvoir leurs oeuvres!
Après avoir évoqué dans la première partie le travail avec la résine, la part de symbolique dans les peintures de Francesco, et l'impact de l'intelligence artificielle dans le domaine de l'art, nous nous penchons sur les autres menaces qui pèsent sur l'art, l'impact de la pédagogie et de l'enseignement sur les disciplines artistiques.
Je conclue enfin, selon ma perception, en quoi les artistes participent à l'équilibre du monde.